LE VIOLONEUX
Au froid d'un carrefour
vêtu de ville morte
solitude enfouie
d'un miroir embué
un musicien bazar
joue sans fard
désespoir
joue du froid
du bout de ses doigts
gourds
au bord de moi
sourd
au coin du toit
lourd du poids des glaçons
pendus
longues larmes tombées
des chagrins hivernaux
scintillantes menaces
accusant impassibles
l'humanité fuyante
arguant de crimes froids
perpétrés de sang froid
aux fonds de noires indifférences
Au carrefour des apparences
un musicien boit
et joue du froid
sur son litron
et joue des doigts
sur son violon
sur ses haillons
et sur le cercle de craie
blanche
à ses pieds
dérisoire sébile
contenant
un merci
un danke
un gracie
un cœur de craie
rouge
et trois pièces d'argent
" Gracie
" merci Madame
" danke pour cet argent
" car faut des sous Madame
" y faut des sous pour boire
" oui faut des sous Madame
" beaucoup de sous pour croire
" Alors je joue du froid
" du bout de mes doigts gourds
" au fond des tristes cours
" où se terrent vos cœurs
" vides à pierres fendre
Au carrefour du musicien
je passe vite et effacé
fuyant ses yeux cherchant mes yeux
cachés aux fonds des poches chaudes
et mes mains par dessus
ferment mon cœur serré
au fond d'un sombre portefeuille
et mes poings tus
au chaud
pèsent sur ma conscience
lourde des riens obscurs
des chient petits de la souffrance
Au carrefour de l'espérance
un violoneux joue
et joue sans fin
du bout des doigts
gourds
au bout du froid
sourd
un air de moi